La lacune de Concepcion-Constitucion



résumé, contexte et interet scientifique
campagne 2002, mesures et résultats





LE PROJET : CONTEXTE ET INTERET SCIENTIFIQUE

Résumé du Projet :

Le Chili est une zone d'activité sismique intense. Un séisme majeur (Mw > 8) a lieu tous les dix ans en moyenne le long de la cote chilienne et la plupart des segments de faille dans la région ont produit un séisme de magnitude 8 lors du 20eme siècle. De ce point de vue, la région de Concepcion représente une lacune sismique puisque le dernier séisme majeur de subduction à l'avoir affecté c'est produit en 1835. Dans le but de quantifier l'accumulation de déformation élastique et de caractériser le couplage sismique (amplitude et profondeur) dans cette lacune, un réseau GPS de 45 points a été installé en 96 et mesuré partiellement en 96 et 99 (15 points). De par sa vitesse de déformation très importante et sa sismicité intense bien caractérisée depuis quelques années, la zone d'étude retenue est tout à fait exceptionnelle. Elle devrait permettre d'observer d'une manière particulièrement favorable d'éventuels signaux précurseurs et des observables (déformation de surface, sismicité particulière) permettant de tester et de valider des modèles physiques. L'objet de la présente demande est de réaliser une 3ème campagne de mesures GPS qui permettrait de tripler le nombre de points déterminés, sur un intervalle de temps double de l'intervalle entre les deux premières campagnes. Par ailleurs, plusieurs points jamais remesurés présentent un intérêt spécifique puisque, situés le plus en retrait de la zone de subduction, ils permettront de mieux définir la partie dite stable du continent. L'acquisition de données de terrain de ce type à intervalle régulier et sur une durée longue est tout à fait nécessaire à la réalisation de modèles physiques susceptibles de rendre compte de la réalité et d'appréhender convenablement l'aléa sismique.

Liste des personnes (nom, prénom, qualité) et des Laboratoires (intitulé, organismes) associés au projet :


Intérêt Scientifique
En conséquence de la subduction Nazca/Amérique du Sud, le Chili est une zone d'activité sismique intense. Le long de la cote chilienne l'interface de subduction est fragmentée en zones élémentaires de l'ordre de 100 à 200 km de long et de 50 à 100 km de large, susceptibles de produire des grands séismes lors de la relaxation des contraintes accumulées. Un séisme majeur (Mw > 8) a lieu tous les dix ans en moyenne dans cette région et la plupart des segments de faille dans la région ont produit un séisme de magnitude 8 lors du 20eme siècle (Figure 1). La plupart des seismes majeurs correspondent à des glissements "en faille inverse" sur l'interface de subduction dans la zone qui est habituellement bloquée lors de la période intersismique.
Figure 1. Réseau GPS : cercles blancs 96, triangles noirs 99, les zones de rupture des séismes majeurs sont indiqués sur la carte


De ce point de vue, la région de Concepcion représente une lacune sismique puisque le dernier séisme majeur de subduction à l'avoir affecté c'est produit en 1835. En fait une partie de cette région a été endommagée par un séisme de magnitude 7.9 en 1939, mais des études récentes (ie. Campos and Kausel, 1990) ont démontré que celui-ci n'était pas un événement de subduction typique, mais correspondait au relâchement de contraintes en extension à l'intérieur de la plaque plongeante. Par contre, les régions qui encadrent cette région de Concepcion ont bel et bien été affectées par des séismes de subduction récents et très importants : Au Nord de 34°S par le séisme de Valparaiso en 1985, et au Sud de 37°S par le séisme de Valdivia de 1960 qui est le plus gros séisme jamais enregistré avec une magnitude de 9.5 et une zone de rupture longue de 1000 km.
Il est donc clair que cette région de « Concepcion-Constitucion » présente un aléa sismique important. Dans le but de quantifier cet aléa (déterminer l'activité sismique de la zone, la possibilité d'un déficit de moment sismique, et la géométrie du champ de déformation et de contrainte) des campagnes de mesures sismologiques et géodésique ont été programmées dans le cadre d'un projet européen. En ce qui concerne la géodésie, un réseau de 32 points a été installé et mesuré en 1996 (Figure 1). En 1999, un nouveau profil perpendiculaire à la fosse (13 points) a été installé et mesuré au sud de la zone concernée (Figure 1) en même temps que l'on remesurait partiellement le réseau de 96. Au total le réseau comporte donc 45 points qui on été installés en 96 et 99 et mesurés une fois au moins à ces époques. Seulement 15 d'entre eux ont été mesurés deux fois. Les 30 autres points, et en particulier ceux qui sont les plus difficiles à atteindre, n'ont été mesurés qu'une fois (17 en 96 et 13 en 99). Les résultats des ces deux premières mesures sont détaillées dans (Ruegg et al., 2002)


LES MESURES 2002 ET LES RESULTATS



en Mars 2002, une campagne de grande envergure a été menée de manière à remesurer tous les points du réseau simultanément.
Figure 2. Réseau GPS : sites GPS mesurés lors des différentes campagnes


Planning des mesures

Afin de défenir un référence géométrique stable tout du long de la campagne de mesures nous avons stationné 6 sites (3 appartenant au profil Nord et 3 appartenant au profil Sud) en continu. Les autres sites sont mesurés par des équipes mobiles pour des durées variant de 8 heures au minimum à 24 heures au maximum.
Figure 3. Planning des mesures de la campagne 2002

Ainsi, certains sites sont mesurés 13 fois 24 heures (les 6 permanents), d'autres 3 à 5 fois 24 heures (là où il a été possible de laisser un recepteur sans surveillance) et presques tous les autres plusieurs fois de 8 à 12 heures (les sites mesurés dans la journée). Traitement des données

Traitement standard à l'aide des logiciels GAMIT/GLOBK du MIT. Il doit etre clair que l'on a alors deux incertitudes différentes pour les vitesses des sites du réseau local :
  • les vitesses relatives à l'interieur du réseau qui sont tenues par les variations des longueurs des lignes de bases locales. On obtient "facilement" une incertitude inférieure à quelques mm/an avec 3 campagnes étalées sur 6 ans.
  • les vitesses absolues (par rapport à la plaque) du réseau par rapport au reste du monde, qui dépendent de la qualité de la "projection" dans le système de référence. Cette valeur est plus difficile à cerner car elle dépend largement du nombre de stations fiducielles utiliséees, mais aussi de la fiabilité de la determination de leur vitesse dans le réseau global. Il est par exemple possible d'obtenir un ajustement très bon sur un sous ensemble régional de stations de l'ITRF, mais que ce sous ensemble présente un systématisme par rapport au reste du monde. Précision de la campagne 2002

    Dans un réseau de n stations, il existe n x (n-1) /2 lignes qui relient ces stations. ces distances sont dénommées "lignes de base" dans le jargon géodésique. Comme chaque station est mesurée plusieurs fois (une mesure correspond à une solution quotidienne), on dispose de mesures redondantes de chaque ligne de base. Certaines ont été mesurées 13 fois (les sites occupés en permanence pendant la campagne), d'autres 2 ou 3 fois seulement.
    Pour chaque "ligne de base", il est donc possible de calculer la valeur moyenne des mesures, et la dispersion statistique des mesures autour de cette valeur moyenne. En jargon GPS, cette dispersion (l'écart quadratique moyen) est nommée répétabilité. On peut calculer la "répétabilité" de chacune des 3 composantes (2 horizontales et 1 verticale) des lignes de base.
    Figure 4. Répétabilité de la campagne 2002. on porte la dispersion de chaque ligne en fonction de sa longueur. la courbe montre l'évolution de la répétabilité moyenne de chaque composante en fonction de la distance entre stations

    Les répétabilités de la campagne 2002 sont bonnes. Pour les lignes les plus courtes (celles du réseau local), on obtient : Pour les composantes horizontales, la pente (qui augmentent logiquement avec la distance ) est quasi optimisée; en effet elle correspond à une augmentation de la dispersion d'environ 1mm par 1000 km (soit 1ppb). On ne peut obtenir mieux sans augmenter la précision des orbites des satellites GPS qui est précisement de cet ordre (quelques cm pour des orbites à 20000 km d'altitude). Sur la composante verticale la répétabilité est moins bonne d'un facteur 3 environ, et ce dégrade plus rapidement avec la distance. Par contre on peut vérifier qu'il n'y a pas d'effet systématique de la troposphère en évaluant l'évolution de la dispersion de la composante verticale avec la différence d'altitude. Si la troposphère est mal détéerminée dans chaque solution quotidienne, alors la différence entre deux différences d'altitude entre deux stations sera d'autant plus grande que la dénivellée est importante (car alors la couche traversée par l'onde GPS est plus épaisse).
    Figure 5. Répétabilités verticales en fonction de la différence d'élévation entre stations. Un paquet intermédiaire n'est pas très bon, mais on ne descerne pas de tendance claire à la dégradation avec l'augmentation de la dénivelée.


    Vitesses obtenues

    La "projection" en ITRF2000 sur les 11 stations fiducielles est obtenues avec un résidu de l'ordre de 4 mm sur les positions et de 1 mm/an sur les vitesses. On peut donc considerer que l'on obtient bien des vitesses du réseau local en ITRF2000.
    On retire ensuite du champ de vitesse obtenu, la rotation de la plaque "Amérique du Sud", afin d'obtenir des vitesses relatives à cette plaque. Pour déterminer la rotation de la plaque dans l'ITRF2000, il y a deux possibilités :
    1 estimer à partir des vitesses des stations GPS situées sur la plaque stable, le pole de rotation rigide qui va minimiser ces vitesses.
    2 utiliser le pole de rotation défini par NNR-Nuvel-1A, en considérant que l'ITRF2000 et NNR-Nuvel-1a sont quasi parfaitement alignés.


    La première solution est "géodesiquement correcte" mais pose plusieurs problèmes :
  • les vitesses des stations fiducielles sont elles suffisement bien déterminées ?
  • les stations fiducielles sont elles bien sur la plaque stable ?
  • dispose-t'on de suffisement de stations fiducielles pour determiner un pole de roation rigide bien contraint ?

    La seconde solution présente l'avantage d'etre très simple standardisée : tout le mode sait quel est le pole de telle ou telle plaque dans NNR-Nuvel-1A. Par contre, il peut y avoir une petite différence entre ITRF2000 et NNR-Nuvel-1a au niveau de la réalisation de la contrainte "no-net-rotation". Il faudrait alors tenir compte d'une éventuelle (petite) rotation supplémentaire pour passer de vitesses en ITRF2000 à des vitesses en "Amérique du Sud".

    Nous avons chois la deuxième méthode pour l'instant.


    Vitesses à grande échelle
    Figure 6. Vitesses en ITRF2000, par rapport à la plaque Amérique du Sud définie par Nuvel-1a. En vert les vitesses NNR-Nuvel-1a (nulles sur Am\351rique du Sud), en blanc et en noir les vitesses GPS
  • La plaque Amérique du Sud est bien contrainte, en effet les vitesses des stations fiducielles sont très faibles - cf. Figure6 - sur la partie stable de l'Amérique du Sud, < 2 mm/an.
  • On trouve pour Nazca (Galapagos et Iles de Paques) des vitesses sensiblement plus lentes que celle définies par Nuvel-1a : 7 cm/an (au lieu de 8) à l'Iles de Paques, et 6 cmm/an (au lieu de 7) aux Galapagos. On en déduit que le pole de rotation rigide Nazca/SAmérique de Nuvel-1A ne n'est pas compatible avec les déformations GPS mesurées actuellement. Nos mesures indiquent une diminution de la vitesse de rotation de la plaque Nazca de l'ordre de -15% ( conformément à Larson et al. 1997, Angermann et al. 1999, et Norabuena et al. 1998).

    les poles proposées par Angermann et al., et Norabuena et al. ne sont pas en accord avec nos mesures. En effet, ils donnent soit des azimut trop vers le Sud ( ~15° ) soit des vitesses trop élevées en norme ( ~ +15%). Pour le pôle d'Angermann il est envisageable que les 2 stations rajoutées - proches des côtes chiliennes - soient dans la zone de déformatio et ne soient pas représentative de le la plaque Nazca rigide...)

    Par contre nous sommes plutot en accord avec la solution de Larson et al. et le pôle :
    latitude : 43.8°N ± 9.1 , longitude 100.2°W ± 5.5, rotation w= 0.67°/Ma ± 0.07
    On prédit alors sur la fosse une vitesse de la plaque Nazca de 72mm/an ( 10% de moins que NUVEL1A) et avec un azimut N70, totalement compatible avec l'azimut moyen de nos stations (N70) sur la plaque SAmérique les plus proches de la cote.

    Vitesses à petite échelle
    Figure 7. Vitesses du réseau local, toujours par rapport à la plaque Amérique du Sud définie par Nuvel-1a

    Les vitesses du réseau local montrent :
  • un bon "parallèlisme", on ne voit pas d'effet différent entre le profil Nord et ll profil Sud.
  • une décroissance des modules de la cote vers l'intérieur.
  • une petite rotation des angles au fur et à mesure que l'on pénètre à l'intérieur.

    Figure 8. Vitesses du réseau local, projetées sur la direction de convergence (N70°)
    La décroissance des vitesses selon la direction de convergence semble plus linéaire que suivre la sigmoide attendue....
    deux hypothèses :
  • la queue de la sigmoide (arctangente) se trouve encore plus loin de la cote.
  • la déformation ne suit pas le modèle classique. On peut quand meme déjà dire que la zone en déformation fait au moins près de 300 km. La vitesse "prédite" par les mesures sur la fosse (x=0km) est proche de la composante horizontale de celle de Nazca prédite par le pole de Larson et al. (70 x cos(30°) = 60 mm/an). Il y a donc probablement couplage total de la subduction.

    Dans tous les cas, Il devient vraiment très important d'essayer de remesurer les points sur la frontière argentine et éventuellement de l'autre coté des Andes.

    La rotation des azimut des vitesses peut venir :
  • soit d'une mauvaise tenue du système de référence (à vérifier, mai s il ne me parait pas possible qu'un petit décalage du pole de rotation rigide de SAmérique puisse avoir une influence locale aussi forte)
  • soit d'une zone de déformation diffuse danbs tous le chili
  • soit d'une faille décrochante bloquée parallèle à la cote quelque part entre les deux cordillières.

    Il faut calculer les tenseurs de déformation à l'intérieur du réseau pour voir si le cisaillement est localisé ou non. Voire également si les vitesses horizontales peuvent correspondre à la superposition de deux sigmoides, l'une provenant de la subduction, l'autre d'une faille transformante. Dans tous les cas, l'analyse fine de cette composante est nécessaire pour determiner s'il y a ou non partitionnement.

    vitesses verticales
    Figure 9. Vitesses verticales
    On peut affirmer avec prudence qu'il y a une tendance générale à trouver des vitesses verticales négatives près de la cote et nulles ou positives. Un ajustement par un polynome d'ordre 4 (typique des problèmes de flexure) donne un passage par 0 (c'est à dire la position de la "ligne neutre" de la plaque) vers 150 km de distance à la fosse (dans la vallée centrale). l'existence d'un bombement en arrière est moins évidente.