PROGRAMME DE RECHERCHES EN INDONESIE



OPOSSUM: Observation et Modélisation de la Déformation Post-Sismique du Séisme de Sumatra

projet soutenu par le programme ANR: "Catastrophes Telluriques"


Le séisme géant de Sumatra du 26 décembre 2004 a rompu un très long segment de la subduction qui accommode la convergence Inde/Eurasie. La partie Sud de la rupture s'est produite sur la limite entre l'Australie et la micro-plaque "Sunda", plus précisément la lanière de Sumatra; et la partie Nord sur la limite entre l'Inde et la micro plaque Birmane. Les premières données (sismologiques et Tsunami) ont conduit certains à proposer que la rupture sismique proprement dite ait été confinée au segment sud (~500 km), le segment Nord ayant rompu lentement, sans émettre d'ondes sismiques (ce que l'on nomme un séisme "lent" ou "silencieux"). Les données géodésiques (essentiellement GPS, mais aussi d'altimétrie satellitaire sur l'Océan qui voient le Tsunami) ont montré qu'il n'en était rien et que la rupture sismique était bel et bien largement supérieure à 1000 km de long. Ce qui n'est pas sans soulever un certain nombre de problèmes, en particulier comment se fait-il que le séisme ait traversé une frontière de plaque (celle entre l'Inde et l'Australie) ? Cette simple observation (parmi beaucoup d'autre) montre que l'on est loin de comprendre complètement les phénomènes physiques qui sont à l'origine de l'initiation et de la propagation de la rupture sismique. Ce séisme en a déjà déclenché un autre sur la même faille : le séisme de Nias, du 28 mars 2005. D'autres séismes se produiront dans le futur sur d'autres segment de la subduction (au nord en Birmanie ou au sud à Sumatra puis Java) ou sur les failles décrochantes en arrière. Nous voulons analyser le rôle joué par l'augmentation des contraintes de Coulomb, des contraintes cisaillantes et normales, de la variation de pression de pores et des déformations post-sismiques sur les séquences de séismes passés et à venir dans la région, en tenant compte de la géométrie complexe des failles de la région. Compte tenu de la taille inhabituelle de ce séisme, il nous paraît absolument nécessaire de développer cette étude sur de plus grandes échelles spatiales et temporelles que ce qui est proposé dans les traitements classiques. Pour ce faire, nous voulons développer un modèle de calcul visco-élastique par éléments finis en 3-D, sphérique, et construit sur une grille fine à maillage adapté. Nous étudierons alors les mécanismes physiques qui contrôlent la propagation de la déformation et le "timing" de ces séquences de tremblements de Terre. L'objectif final du projet est d'améliorer notre compréhension des mécanismes de déformation des couches visco-élastiques qui enveloppent la Terre en général, et de quantifier l'Aléa sismique dans cette région où les séismes destructeurs se produisent en grand nombre en particulier.

Une déformation de l'ordre du cm/an va affecter toute la région pendant des années, peut-être des décennies, avant de décroître lentement au point que la déformation inter-sismique, majoritairement élastique, qui prévalait avant reprenne ses droits. Le rassemblement des mesures GPS réalisées dans toute la région dans le but de suivre cette déformation est essentiel. Compte tenu de la faible amplitude de la déformation, de la très grande taille de la région en déformation, et du fait qu'une bonne partie d'entre elle se trouve sous l'eau, nous ne pensons pas que les méthodes InSAR soient adaptées. Seul le GPS produira des séries temporelles longues, suffisamment précises et temporellement denses, pour permettre de modéliser la déformation. Ensuite, la connaissance précise des failles tectoniques (géométrie, style de déformation, etc..).autour desquelles cette déformation se produit est également indispensable. Cela pour deux raisons symétriques : en premier lieu, parce que les failles elles mêmes vont jouer un rôle dans la manière dont la déformation va se propager, en second lieu parce que c'est sur le comportement de ces failles que nous voulons étudier l'impact de la déformation post Sumatra. Alors enfin, en utilisant les données GPS collectées et connaissant dans le détail les failles de la région, nous serons à même de produire des modèles numériques exacts de la déformation infligée par le séisme. On comprend bien par exemple, que les modèles élastiques nécessitent une bonne description des failles sur lesquelles l'augmentation de contrainte de Coulomb est calculée, ou encore que les modèles de calcul par éléments finis réalistes nécessitent un maillage fin et très complexe près de la fosse. Les partenaires d'OPOSSUM réunissent les compétences nécessaires pour mener un tel projet : GPS, failles, modélisation numérique, outils de CAO et de maillage, etc....

Notre projet s'insère dans l'environnement des projets existants d'acquisition de mesures en mer (S. Sing). Nous apporterons des éléments essentiels sur la déformation à Terre d'une part et sur la déformation en mer, mais sur des zones périphériques à celles ciblées par les grosses campagnes au large de la pointe Nord de Sumatra d'autre part. Enfin, nous nous concentrons sur la modélisation de tous ces éléments rassemblés.

Les résultats attendus du projet sont:

  • une meilleure compréhension des mécanismes de transferts de contraintes dans la région de Sumatra, avec un impact direct sur l'aléa sismique de la région
  • la quantification des propriétés mécaniques et rhéologiques de la croûte et du manteau, pour des temps assez courts (comparés aux temps géologiques)
  • le développement d'un modèle de calcul par éléments finis en géométrie sphérique 3-D qui pourra être utilisé dans d'autres zones sismiques du monde




    Documents divers
    1. description du réseau GPS de la région de Padang


    Intervention après le séisme de Bengkulu, du 12 septembre 2007

    le 12 septembre 2007, un séisme de magnitude 8.7 c'est produit sur la portion Sud de la subduction de Sumatra. Ce séisme complète la séquence qui a débuté avec le séisme de Banda Aceh du 25 décembre 2004. Aujourd'hui, presque toute la subduction a rompu (Enggano, Banda Aceh, Nias, Bengkulu) sauf un petit segement de 200 k de long, à peu près sur l'équateur, en face de la ville de Padang. Immédiateemnt après le 12 septembre, nous avons remesuré notre réseau géodesique de la région de Padang-Singkarak (une trenteine de bornes) afin d'estimer les déplacements co-sismiques dans la région, et surtout nous avons installé 4 stations GPS continues a(IPA0, SCCN, MLBU, TLOK) fin de surveiller la déformation post-sismique dans la région qui n'a pas encore rompu.

    les déplacements co-sismiques constatés entre les deux mesures (avant le séisme en juillet 2007, et après le séisme en septembre 2007) montre des déplacements de plusieurs dizaines de cm à l'intérieur du réseau. Le gradient de déformation à l'intérieur du réseau permet de contraindre assez bien la terminaison Nord de la rupture et montre que celle ci n'est pas montée jusqu'à Padang.

    Les premiers mois de mesure semblent montrer que les stations permanentes installées à la côte glissent toutes vers la fosse à des vitesses importantes: plusieurs cm/an. leur déplacement avant le séisme était à l'inverse vers l'intérieur des terres. et de l'ordre du cm/an par rapport à la plaque de la Sonde. On constate donc bien le cycle accumulation élastique lente dans une direction, suivi de relaxation co- puis post-sismique dans le sens opposé. Nous tentons de determiner si le déplacement actuel correspond à la relaxation post-sismique "simple", ou s'il s'y ajoute un glissement a-sismique lent du petit segmnt de Padang qui n'a pas rompu lors du séisme. Si tel était le cas, alors le risque sismique en face de Padang serait diminué d'autant. Malheureusement, les ordres de grandeur et la direction du glissement actuel semblent bien correspondre à une relaxation simple.


    Ce travail a fait l'objet d'une communication à l'AGU de décembre 2007 mis à jour en mars 2008





    Publications de notre groupe sur le thème de la déformation en Asie du Sud-Est
    1. Crustal motion and block behavior in SE-Asia from GPS measurements.
      Michel, G., Y. Yu, S. Zhu, C. Reigber, M. Becker, E. Reinhart, W. Simons, B. Ambrosius, C. Vigny, N. Chamot-Rooke, X. LePichon, P. Morgan, S. Matheussen.
      Earth and Physics Science letters, 187, pp 239-244, 2001.

    2. Present day crustal deformation around Sagaing fault, Myanmar
      Vigny, C., A. Socquet, C. Rangin, N. Chamot-Rooke, M. Pubellier, M.-N. Bouin, G. Bertrand, M. Becker.
      Journal of Geophysical Research, 108(B11), 2533 doi:10.1029/2002JB001999, 2003.

    3. Insight into the 2004 Sumatra-Andaman earthquake from GPS measurements in southeast Asia
      Vigny, C., W. Simons, S. Abu, R. Bamphenyu, C. Satirapod, N. Choosakul, C. Subarya, A. Socquet, K. Omar, H. Abidin and B.A.C. Ambrosius
      Nature, vol 436, 14/07/05, pp201-206,doi:10.1038/nature03937, 2005

    4. India and Sunda plates motion and deformation along their boundary in Myanmar determined by GPS
      Socquet, A., C. Vigny, W. Simons, N. Chamot-Rooke, C. Rangin, B. Ambrosius
      J. Geophys. Res., 111, B05406, doi:10.1029/2005JB003877, 2006.

    5. A decade of GPS in SE Asia: Resolving Sundaland Motion and Boundaries
      Simons, W., A. Socquet, C. Vigny, B. Ambrosius, S. Haji Abu, Chaiwat Promthong, C. Subarya, D.A. Sarsito, S. Matheussen, P. Morgan, and W. Spakman
      J. Geophys. Res., 112, B06420, doi:10.1029/2005JB003868R, 2007.

    6. Defining the source region of the Indian Ocean Tsunami from GPS, altimeters, tide gauges and Tsunami models
      Pietrzak, J., A. Socquet, D. Ham, W. Simons, C. Vigny, R. J. Labeur, E. Schrama, G. Stelling, and D. Vatvani
      EPSL, Vol. 261, 1-2, pp 49-64, doi:10.1016/j.epsl.2007.06.002, 2007.