Aysen, Chili, 21 Avril 2007
Le 21 Avril 2007 à 17h53 TU un
séisme de magnitude 6.2 se produit dans les environs d'Aysen au sud (45°S) du
Chili. Le séisme n'est pas très fort et cela pourrait en rester là, mais les
ondes sismiques vont déclencher des glissements de terrains massifs (les pentes
sont très abruptes, peu consolidées, et constamment lessivées par les pluies
abondantes). Et les éboulements vont tomber dans le fjord d'Aysen provoquant un
raz de marée. Très localisé, Puerto Chacabuco à une vingtaine de km de
l'épicentre ne subit aucun dommage, le Tsunami ravage les cotes du fjord dans
un rayon de quelques km. A Punta Tortuga, sur la côte Nord du fjord, à une
petite dizaine de km de l'épicentre, les vagues successives atteignent
Le séisme n'est pas venu de nul part. Depuis janvier, une crise sismique se développait au centre du Fjord. Des centaines de petits séismes de magnitude 1 à 4 se sont produits en 3 mois, avec de temps en temps un séisme un peu plus fort. Pour étudier le phénomène, une équipe de sismologues de l'Université du Chili (Sergio Barrientos, Jaime Campos) en coopération avec le laboratoire de Géologie de l'ENS (Christophe Vigny) ont installé une série d'instruments (6 stations sismologiques et 6 GPS) afin de localiser les séismes et de quantifier la déformation de la croûte. Les premières mesures semblent représentatives d'une activité magmatique au centre du Fjord, qui migre petit à petit vers la surface. Le séisme du 21 avril est différent, il s'est produit sur une faille tectonique décrochante qui se trouve au voisinage de l'essaim de séismes.
Les enregistrements des stations (sismo et GPS) situées à Punta Tortuga permettront d'étudier le séisme en détail. Le sismogramme montrant très clairement le séisme puis l'onde de choc due au glissement de terrain principal lorsqu'il touche le fond du Fjord. Le GPS programmé pour enregistrer sa position à haute fréquence (10 Hz) montre le déplacement de la surface en champ proche durant le séisme. Un Hydrophone qui était en train d'être installé sur un ponton flottant au moment même du séisme a été retrouvé intact 3 jours plus tard avec le signal enregistré. Le Tsunami a emporté tous les autres instruments. Difficile d'étudier les premières répliques dans ces conditions, mais nous avons réinstallé à Puerto Chacabuco les instruments que nous avions pu sauver: un GPS et une station sismologique pas encore installés. D'autres stations arriveront quelques jours plus tard, de l'Université de Chili et du tout nouveau laboratoire international associé (LIA - Montessus de Ballore) qui vient d'être créé en partenariat entre l'U-Chile et le CNRS. Elles mesurent en ce moment. Ce laboratoire a pour ambition d'étudier la sismo-tectonique de la subduction Chilienne et s'est donné pour objectif de créer une base de données sismologiques et géodésiques régionales adaptées à cet objectif. Un réseau de stations dessiné pour cela est absolument nécessaire. En effet, il est à noter que le séisme du 21 avril est localisé près de 60km à l'intérieur des terres par les agences internationales (NEIC), alors qu'il s'est en fait produit dans le Fjord de manière absolument certaine.
Au Chili, l'affaire a fait grand bruit. La présidente Bachelet est venue sur place dès le lendemain. Les principaux ministres également. Les médias en ont fait une couverture quasi permanente pendant près de deux semaines. Avec une question toujours répétée: un tel événement était-il prévisible? Le risque était-il correctement évalué? Il est certain qu'un séisme n'est jamais vraiment prévisible. Mais qu'en est-il des glissements de terrain? Et de l'inévitable raz de marée déclenché par ceux-ci. Fallait-il évacuer la zone lorsque l'on a constaté que la crise sismique initiée en Janvier se développait? Cette dernière question dépasse clairement le cadre scientifique, puisqu'il s'agit de problèmes politiques, mêlant société et économie. Mais il parait évident que l'on ne peut tenter d'y répondre sainement que si l'on dispose d'éléments quantitatifs précis sur l'aléa et la vulnérabilité de la population qui y est exposée.
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Déplacement de Torg au cours du temps. Projeté dans une direction constante (àgauche), puis corrigé des sauts co-sismiques (à droite) |
Un certain temps c'est écoulé depuis
le Tsunami, et l'effervescence est un peu retombée. Mais les mesures n'ont pas
cessé pour autant. Le déplacement de la station TORG au cours de l'année écoulée est
tout à fait instructif. En premier lieu, on constate que la station c'est déplacée
toujours dans la même direction(NW), quoiqu'il arrive. Les deux sauts, consécutifs aux
séismes de mars puis d'avril sont clairement visibles et collinéaires au déplacement
entre et après les séismes. Au final, en éliminant les sauts co-sismiques, on
obtient une série en décroissance logarithmique qui semble commencer plusieurs
semaines avant l'installation de l'instrument. Le 21 Janvier quand la crise a éclatée ?
la crise serait-elle donc la conséquence d'un "séisme" initial, enregistré par aucun
instrument ? un séisme silencieux donc ? Pour le savoir, deux possibilités: étudier
les enregistrement de la station sismologique large bande la plus proche (Coyhaique)
pour chercher un signal à basse fréquence aux alentours de fin janvier, et tenter de
réaliser un interferogramme RADAR en bande L (pour traverser la végétation) convrant
la période considérée. Travail en cours....